Return to site

12 Astronautes ont marché sur la lune

July 31, 2019

Avec l'aimable autorisation d' Isabelle Fougère (texte) et Stephan Gladieu (photos). Pour le quarantième anniversaire des premiers pas sur la lune, les reporters du Figaro Magazine Isabelle Fougère et Stephan Gladieux avaient rencontré 6 marcheurs sur la lune ainsi que le héros terrestre de la mission Apollo 13. Des témoignages exceptionnels et exclusifs.

ILS ONT MARCHE SUR LA LUNE

« Un petit pas pour l'homme, un bond de géant pour l'humanité. » Nous sommes le 21 juillet 1969, il est 3 h 56 en France. Neil Armstrong pose le pied sur la Lune. Des centaines de millions de téléspectateurs retiennent leur souffle devant l'exploit de la mission Apollo 11. Pendant les trois années qui suivent, les missions se succèdent, toutes réussies, à l'exception d'Apollo 13 en avril 1970, avortée à cause de l'explosion d'un réservoir d'oxygène. La technique progresse : les astronautes conduisent des jeeps électriques, dorment et mangent sur la Lune. Grâce aux récoltes de ces visiteurs interplanétaires, les scientifiques comprennent mieux la formation du système solaire. Pourtant, entre le discours fondateur de Kennedy, en 1961, et les années Nixon, à partir de 1968, les Etats Unis ont changé. Les voyages lunaires passionnent moins les Américains et le Congrès essuie des critiques parce qu'ils coûtent cher. Les trois dernières missions Apollo sont annulées et la page lunaire brutalement refermée. Jusqu'en 1972, douze hommes se sont succédé sur le sol lunaire pour écrire les pages les plus exceptionnelles de la conquête spatiale. De leurs voyages les explorateurs de la Lune ont rapporté des impressions exceptionnelles et des questions existentielles. Neuf d'entre eux sont encore en vie. Isabelle FOUGÈRE a rencontré les héros de cette épopée. Leur rêve : vivre assez longtemps pour assister au retour de l'homme sur la Lune...

NEIL ARMSTRONG : LE HÉROS MALGRÉ LUI

APOLLO II 16 / 24 juillet 1969 . Temps passé sur la Lune. 2 h 31. Age actuel : décédé

Enfant, Neil Armstrong faisait un rêve : il planait au dessus du sol. Trente ans plus tard, il faisait rêver des centaines de millions de Terriens en posant le pied sur la Lune. Le mythe était sans doute trop lourd à porter, qui a poussé l'ancien pilote à tirer sa révérence à son retour et à s'éclipser. Pourtant, il reste le premier, celui que chacun garde en mémoire quarante ans après. Avec le temps se dessine un portrait en creux du plus célèbre des astronautes. Gene Kranz, le directeur de vol, est sans doute celui qui l'a suivi de plus près : « Pendant la préparation d'Apollo 11, Neil Armstrong semblait plus observateur que protagoniste, mais quand vous regardiez ses yeux, vous saviez qu'il était le commandant et que toutes les pièces étaient assemblées dans sa tête. Il n'élevait jamais la voix. Il préservait son énergie. » Le seul témoignage de Neil Armstrong est tiré de son journal de bord et de l'enregistrement de ses conversations avec Houston. Ils ont été repris dans l'ouvrage First on the Moon, de Gene Farmer et Dora Jane Hamblin (i), publié en français sous le titre J'ai marché sur la Lune (2). Il y évoque Apollo 11 : « Nous étions encore à des milliers de kilomètres, mais assez près pour que la Lune remplisse quand même tout le hublot. Elle éclipsait le Soleil dont on voyait l'auréole tout autour, telle une gigantesque soucoupe de lumière s'étendant sur plusieurs diamètres lunaires. C'était splendide, mais la Lune l'était encore plus. Nous étions dans son ombre... j'eus alors réellement conscience, visuellement conscience, que la Lune était une sphère et non un disque. C'était un peu comme si elle nous montrait ses rondeurs, sa ressemblance avec notre Terre, comme en signe de bienvenue. J'étais sûr quelle serait un hôte très accueillant. Elle attendait depuis si longtemps ses premiers visiteurs. » A son retour, Neil Armstrong a croulé sous les hommages. Il s'est adressé au Congrès, a fait le tour du monde, visité les troupes américaines au Vietnam. Pendant un an, il a officié à la Nasa mais a fini par démissionner pour enseigner le plus discrètement possible à l'université de Cincinnati. Peine perdue : les amphithéâtres étaient remplis de reporters. Neil Armstrong s'est alors retiré pour devenir homme d'affaires. Le secret dans lequel le pionnier s'est muré n'a fait que renforcer sa légende. Depuis ce temps, les rumeurs les plus folles courent sur lui. Sur internet, de faux objets lui ayant appartenu, de faux autographes et même une fausse mèche de ses cheveux se sont vendus à des prix astronomiques.

BUZZ ALDRIN : LE POULIDOR DE L'ESPACE

APOLL0 11 (16 / 24 juillet 1969). Temps passé sur la Lune : 2 h 15. Age actuel : 89 ans. Vit à Beverly Hills (Californie).

«Je me souviens de mes toutes premières secondes sur la Lune, les plus intenses de toute ma vie. Après les immenses difficultés que nous avions rencontrées pour alunir, j'ai enfin été en mesure de prononcer les mots que j'attendais depuis si longtemps : "contact right, engine stop" (moteur arrêté). Neil Armstrong m'a regardé. Il m'a tapé sur l'épaule. Nous nous sommes serré la main. » De tous les visiteurs de la Lune, Buzz Aldrin est le plus infatigable. Cette année encore, à 79 ans, il accompagnera le Club des explorateurs au pôle Sud. Depuis qu'il est redescendu sur Terre, il n'a cessé de se lancer des défis : dessiner des fusées, explorer le Titanic, le pôle Nord, inventer le tourisme spatial... Malgré cette vie trépidante, il n'est pas « guéri ». Comment oublier, quand on a vécu le plus incroyable des voyages ? Buzz Aldrin souffre d'avoir été le deuxième à poser le pied sur la Lune, quelques minutes après Armstrong : « J'ai voulu sauter et j'ai raté mon coup. Mes genoux étaient couverts de poussière, on le voit sur toutes les photos. » Buzz Aldrin n'a certes pas été le premier, mais c'est lui qui figure sur toutes les photos, car Armstrong tenait l'appareil. Ce 20 juillet 1969, l'ancien pilote de l'Air Force réalisait son rêve d'enfance : «J'ai toujours su que la Lune était mon objectif. Mon père pilotait pour la Standard Oil. A 2 ans à peine, il m'emmenait voler dans son avion blanc peint d'un aigle. Et c'est à bord d'Eagle, l'aigle dApollo 11, que nous avons rejoint la Lune, beaucoup plus tard ! Mon père a toujours voulu que je sois le premier. » Préparés par des années d'entraînement au grand voyage, les astronautes ne l'ont pas été pour le retour. Buzz Aldrin en a souffert tout particulièrement, au point d'intituler sa biographie Retour sur Terre, et non Voyage sur la Lune... « Après la période d'euphorie, je me sentais mal. J'étais en profonde dépression et me suis mis à l'alcool. La Nasa m'a laissé tomber. J'ai commencé à bâtir mes propres projets, tout seul, et je suis fier aujourd'hui des expériences que j'ai vécues. » Buzz Aldrin vient de terminer un ouvrage pour enfants. « Je veux leur dire que la Terre n'est plus notre unique perspective. C'est à eux de réussir les premiers pas sur Mars et dans d'autres mondes encore qu'ils exploreront. Ils doivent regarder vers l'infini et même au delà, ne jamais se limiter. Qu'ils aillent sur Vénus, vers les anneaux de Saturne, sur la lune de Jupiter ! Qu'ils aillent au delà de ce que leurs yeux peuvent voir, aussi loin que leurs rêves les portent. » Dernier ouvrage paru, en juin, aux EtatsUnis : A Magnificent Desolation (Editions Harmony).

ALAN BEAN : LE PEINTRE DE L'ESPACE

APOLLO 12 (14 / 24 novembre 1969). Temps passé sur la Lune : 7 h 45. Age actuel : 87 ans. Vit à Houston (Texas).

Son atelier respire l'ordre : pinceaux alignés, couleurs en dégradés, toiles bien accrochées. Aux visiteurs, il laisse à peine le temps d'arriver : « Venez voir mes esquisses !» Alan Bean sait bien ce que l'on veut de lui : « La question qui m'est posée depuis quarante ans, c'est: "Qu'avezvous ressenti en marchant sur la Lune ?" Eh bien, je me suis senti loin de ceux que je connaissais et aimais. Cela semblait irréel, impossible. Encore aujourd'hui, je ne trouve pas les mots... » Comme il ne les trouvait pas, il a pris les pinceaux. Depuis une trentaine d'années, il peint des scènes lunaires. Sur les murs, dans une ambiance bleutée, rosée, ses tableaux montrent des modules lunaires et des astronautes au travail. Et presque toujours en fond, la Terre, bleue et réconfortante comme une patrie. Sur une tablette, un bout de tissu. Alan Bean le touche avec respect : « Un morceau de ma combinaison qui contient de la
poussière de Lune. J'en mets une touche sur chaque toile. » Face à ses œuvres, Alan Bean retrouve des souvenirs d Apollo 12 : « Nous avons connu un alunissage angoissant, nos ordinateurs ne calculaient pas assez finement. Je me souviens d'avoir couru éperdument en apesanteur, sans ressentir de fatigue, comme si je dansais sur la pointe des pieds. » Sans regard derrière leurs visières réfléchissantes, les astronautes d'Alan Bean nous renvoient l'image qu'aurait pu voir le peintre. « Les explorateurs d'autrefois paraissaient étranges aux indigènes. Sur la Lune, il n'y avait personne. Mais, dans nos combinaisons, nous avions l'air de créatures d'une autre planète pour nos amis et familles. Nous sommes comme les conquistadors du XVI' siècle sur les tableaux d'époque. Comme eux, nous sommes arrivés à bord de vaisseaux et nous utilisions le meilleur de la technologie de notre temps. Mais les conquistadores venaient prendre de la terre, de l'or et des joyaux. Nous sommes allés sur la Lune pour la connaissance. De la poussière et des pierres, c'est tout ce que nous avons rapporté. » A son retour, Alan Bean a participé au projet Apollo Soyouz, qui a réuni Américains et Soviétiques. Mais la peinture l'avait toujours tenté. En 1981, il a tout arrêté pour elle : Je redevenais débutant, mais j'avais été sur la Lune, alors j'étais bien capable de devenir un artiste ! J'ai voulu aller au delà de la réalité, m'exprimer par la couleur. Aujourd'hui, je peins ma vision de la Lune. je ne me sens pas comme un astronaute qui s'est mis à la peinture, mais comme un artiste qui, un jour, a été astronaute. »

EDGAR MITCHELL : UNE RÉVÉLATION DANS LE COSMOS

APOLLO (14 janvier / 9 février 1971). Temps passé sur la Lune : 9 h . Age actuel : 79 ans. Vit à Palm Beach Floride).

« Là haut, en marchant, avais la sensation d'être un éclaireur. Nous devions accomplir tant de tâches : impossible de profiter du paysage ! j'y repense souvent j'essaie de retrouver ces sensations fugitives. Houston nous soûlait de paroles pendant que nous nous mouvions comme sur un trampoline ! » D'un pas lent, Edgar Mitchell longe la plage de Palm Beach. Qui devinerait que ce retraité de Floride a foulé la poussière lunaire ? L'oeil fixé sur l'horizon, l'ancien astronaute se souvient d'Apollo 14 comme d'une expérience spirituelle. Quitter la Terre a changé sa vie, plus encore que de marcher sur la Lune. Après deux marches de plus de quatre heures chacune, Edgar Mitchell et son commandant Alan Shepard ont rejoint le module. « Nous n'avions pas mangé depuis douze heures et pas dormi depuis vingt deux ! Par le hublot, je voyais défiler la Lune, les étoiles et la Terre. Ce que j'ai ressenti alors a bouleversé mon existence. Tout ce que je connaissais, aimais, haïssais ou que je pensais éternel était là, fragile petite sphère suspendue dans le cosmos. Je me suis senti physiquement comme une partie d'un tout. J'ai eu la certitude que nous ne sommes pas seuls dans l'Univers. » Au retour, Edgar Mitchell a su tout de suite à quoi il allait consacrer sa vie. En 1972, il a quitté la Nasa. Tout en poursuivant des missions de conseil en ingénierie, il s'est lancé dans des recherches sur la conscience humaine. « J'ai lu tous les textes : religion, anthropologie, archéologie, psychologie. Je voulais comprendre ce qui m'était arrivé. Dans la littérature sanscrite, j'ai découvert le concept de Samâdhi, l'expérience émotionnelle de l'unité. » En 1973, il a fondé l'Institut des sciences noétiques. « Nous menons, depuis plus de trente cinq ans, des recherches pluridisciplinaires sur le pouvoir de la conscience, à la frontière entre sciences appliquées et philosophie : l'intuition, les effets physiques et psychiques de la méditation... J'ai dû me battre pour que l'institut ne devienne pas une chapelle et moi un gourou ! Les gens faisaient le parallèle entre les 12 hommes qui ont marché sur la Lune et les 12 apôtres » Auteur d'un film et d'un livre (The View from Space, a Message for Peace, et The Way of the Explorer), l'ancien astronaute rêve aujourd'hui d'une humanité consciente de la fragilité du cosmos : « Il faut que nous apprenions à généraliser cette sensation d'unité que j'ai éprouvée à mon retour de la Lune. C'est cela qui nous aidera à mener une vie durable.

JOHN YOUNG : L'ÉTERNEL ASTRONAUTE

APOLLO 16 (16 / 27 avril 1972). Temps passé sur la Lune : 20 h 15. Age actuel : 79 ans. Vit à Houston (Texas).

Un peu raide, vêtu d'un sous pull blanc impeccable, John Young traverse le hangar d'entraînement de Houston d'un pas d'extraterrestre. A la fois étrange et on ne peut plus normal. Au respect qu'on lui marque pour son passé de conquérant de l'espace, il répond par un haussement d'épaules, comme si tant de vols au delà de l'atmosphère relevaient de la routine. De son humour, il ne laisse plus rien transparaître. Celui qui chantait à tue tête en orbite et jouait les supermen du sprint entre les cratères lunaires, champion du fou rire et du bon mot, ne se départ plus d'une rigueur toute scientifique et militaire. « Marcher sur la Lune ? C'était mon job, je suis astronaute ! Mon souvenir ? Nous avions peu de temps et beaucoup de travail. » Le séjour lunaire de John Young, c'est son compagnon d'Apollo 16, Charlie Duke, qui le raconte le mieux « Quand il a mis le pied sur la Lune, nous avions vingt minutes de retard. Il ne pensait Plus qu'a les rattraper. Mais quand il a découvert la beauté du paysage, il est devenu exubérant. Pendant que nous marchions, John jurait parce que le conduit qui lui permettait de boire fonctionnait mal et que les bulles de jus d'orange lui brouillaient la vue. Houston l'a même rappelé à l'ordre pour ses jurons ! » John Young n'a jamais quitté la Nasa. Depuis quarante ans, il n'a que très rarement raté le briefing hebdomadaire des astronautes. Il tient bon parce qu'il a un objectif en tête, quasi obsessionnel : « A chaque fois que je regarde la Lune, je me demande pourquoi nous n'y retournons pas. Il faut industrialiser la Lune. Cela révolutionnera la manière dont nous vivons sur la Terre. Nous y produirons de l'électricité. » Un simple « pourquoi ? » suffit à l'agacer : « Cela va aller de plus en plus mal avec le réchauffement climatique, les volcans, les météorites et la sur population. Et nous restons là à attendre que cela aille mieux. Il faut retrouver notre créativité. Les rochers de la Lune contiennent de l'oxygène, on peut en extraire et donc séjourner là bas. Mais l'espace n'est plus à la mode, et il est fort probable que, cette fois, les Chinois seront les premiers sur la Lune... »

CHARLIE DUKE : L'ATHLÈTE DE L'APESANTEUR

APOLLO 16 (16 / 27 avril 1972). Temps passé sur la Lune : 20 h 15. Age actuel : 84 ans. Vit à New Braunfels (Texas).

« Elle est apparue par surprise. Nous étions en orbite dans son ombre. Tout était noir: Tout à coup, le Soleil s'est levé. En un claquement de doigt, la Lune était là, lumineuse, énorme. Elle nous dévoilait sa face cachée. J'avais en tête la musique de 2001 : l'Odyssée de l'espace. » C'est ainsi que Charlie Duke a découvert la Lune. Pendant le voyage, il s'était laissé gagner par l'euphorie de la mission pour laquelle il se préparait depuis des années. Avec son compagnon John Young, ils écoutaient de la country, s'amusant de leurs repas en apesanteur : «Nous ressemblions à des PacMen, à gober des boules de soupe ! » Les deux astronautes ont aussi connu l'angoisse : « Cinq minutes avant d'alunir; nous avons pensé avorter. A Houston, ils cherchaient une solution. Cela a pris six heures, mais ils ont réussi. J'ai enfin entendu "Contact lunaire"... Le moment le plus fort de ma vie. » En trois jours, Charlie Duke a exploré un immense cratère, manqué se perdre entre les falaises, fait des pointes de vitesse en jeep lunaire et s'est épuisé à ramasser de la poussière et des roches. Il s'est aussi fait peur : « En apesanteur, on se sent fort fort. J'ai sauté de plus en plus haut... Jusqu'au moment où j'ai basculé et me suis retrouvé sur le dos, comme une tortue. J'aurais pu endommager ma combinaison et y rester. Le monde entier m'a vu et j'ai eu droit à des réprimandes de Houston. » Au troisième jour, Charlie Duke et John Young ont essayé d'arracher quelques heures de plus, mais la base a dit non. Il fallait partir. De sa maison texane qui domine un lac émeraude où il pêche, Charlie Duke contemple souvent la Lune. « Ce fut difficile de partir.
En route vers la Terre, nous avons fait une sortie dans l'espace. Je suis resté immobile, à flotter parmi le Soleil, la Lune, la Terre. » A son retour, Charlie Duke a fait tout son possible pour retourner là haut. Il a continué les entraînements jusqu'à ce qu'il comprenne qu'il n'y aurait plus de vols Apollo. Bien qu'associé à l'aventure de la navette, le coeur n'y était plus. Il s'est lancé dans les affaires avec succès, mais ses trois jours sur la Lune ont continué à le poursuivre. Toujours impeccable dans un blouson d'aviateur qui lui va comme à un jeune homme, il est devenu philosophe. « Pour moi, Apollo avait été une aventure, un défi de pilote, pas une expérience spirituelle. Il m'a fallu du temps pour comprendre. J'avais eu du succès, mais je ressentais un vide terrible. Ma femme m'a progressivement amené à Dieu. J'ai commencé à me sentir en paix. »

GENE KRANZ : L'ANGE GARDIEN DE HOUSTON

Directeur de vol de la Nasa, c'est lui qui a posé, depuis Houston tous les visiteurs de la Lune. Il est souvent l'oublié des commémorations d'Apollo. Et pourtant, sans cet homme rond et souriant, il n'y aurait pas eu de conquête lunaire. C'est lui qui a posé, depuis Houston, tous les visiteurs de la Lune. Gene Kranz était directeur de vol de la Nasa. « Le directeur de vol est un chef d'orchestre qui dirige une vingtaine de contrôleurs, ingénieurs, planificateurs, médecins, astronautes. Il décide de toutes les actions nécessaires au succès de la mission. Sans aucune autorité au dessus de lui, pas même le président des EtatsUnis. Il lui faut connaître toute la chaîne, avoir des nerfs d'acier et un instinct à toute épreuve. » Pour Gene Kranz, Apollo reste un âge d'or : « La nuit, je regardais la Lune et je me disais : on va y aller, bon Dieu ! C'était un défi, la course contre les Soviétiques, l'énergie insufflée par Kennedy. Nous avions la chance d'être jeunes. La moyenne d'âge, chez les ingénieurs comme à la salle de contrôle, était de 26 ans. J'étais le plus vieux et n'en avais que 36 ! » Le 20 juillet 1969, Gene Kranz a fait alunir Armstrong et Aldrin : «j'ai failli ordonner l'abandon plusieurs fois. Mais nous n'imaginions pas un échec. Et la pression ne s'est pas relâchée quand l'Eagle s'est posé. Il fallait évaluer le plus rapidement possible les risques qu'il y avait à rester. » Quand on lui demande s'il lui est arrivé de craquer, il éclate de rire. Il n'en était tout simplement pas question : « Nous ne laissions jamais transparaître aucune émotion. Et, une fois la mission terminée, on était épuisés. Nous donnions parfois deux jours d'affilée. Pour faire la fête, nous attendions le retour de l'équipage et le débriefing. » Dans un livre témoignage , Gene Kranz explique que la réussite d'Apollo tenait à la profonde connaissance mutuelle entre astronautes et contrôleurs de Houston. « Grâce aux entraînements, nous finissions par comprendre comment chaque astronaute pensait et réagissait. » Plein d'amertume, Gene Kranz se souvient d'Apollo 17, ultime mission lunaire. « Une fois qu'ils sont revenus en orbite terrestre, j'ai lu à l'équipage le message traditionnel du président Nixon. Il comportait cette phrase : "Ce sera peut être la dernière fois du siècle"... Nous avions encore trois fusées et trois équipages prêts, mais «Je ne crois pas que l'homme retournera sur la Lune de mon vivant. Pourtant, il suffirait d'un signe fort. rappelle souvent la phrase de Kennedy : "Nous irons sur la Lune parce que c'est difficile." Quoi de mieux pour réveiller les énergies.